- 12 juin 2009, par Ahmed Bengriche
Au troisième jour toute la ville puait. Le couvre-feu dès cinq heures de l’après-midi. On arrivait dans les dechras. Une allumette … pfuuuit ! Plus rien. Sur place ne restaient que les femmes pour se déchirer les joues et se tirer les cheveux. Avec les crosses des fusils , les soldats cognaient durement sur les crânes. Ils faisaient rentrer les baïonnettes dans le ventre (…)
- 8 juin 2009, par Ahmed El Marsaoui
« Nous sommes des oiseaux, plus quelque chose que nous cherchons à éclaircir à partir de l’oiseau. » Rezvani, La Traversée des Monts Noirs
Il écoutait les trilles extatiques du chardonneret vivaldien, paisiblement installé dans son « observatoire ». C’est ainsi qu’il avait baptisé ce coin d’où il pouvait voir sans être vu. Le concert de musique classique organisé par la SPANA, diffusé sur (…)
- 26 mai 2009, par Marc Bonneval
Je m’appelle Pierre, Pierre Raynaud, comme mon père, enfin lui, il s’appelait Jean, Jean Raynaud. Ma mère, elle, c’était Marie.
Pas si jeune, mon père, quand je suis né : quarante trois ans. Marie, Marie Tagnère, elle, elle en avait trente cinq, pas une jeunesse non plus, surtout pour l’époque, et puis là-bas, à Saumat, à la ferme. Fermier il était, mon père, le Jean Raynaud. Ma mère, la (…)
- 22 mai 2009, par Ahmed Bengriche
— Couche- toi !
— Je suis couché, dit l’enfant.
— Mais tu n’es pas couché, dit la mère.
L’enfant ferma les yeux pour un moment.
Dehors le vent était tout contre la palissade. Il pleuvra longuement
dans quelques heures.
Le gosse se tourna sur le côté droit et il put voir le bras de sa mère tisonner le feu. La chambre s’illumina un instant. Le chat Messaoud (…)
- 12 mai 2009, par Thomas Vinau
Tokio est un vieux clochard bridé qui était là avant moi et qui y sera après.
Tokio n’a pas d’âge, mais certains disent qu’il a fait la guerre d’Indochine et que c’est depuis ce moment-là que quelque chose ne va plus. Quand j’ai vu comment, alors que l’alcool l’empêchait même de tenir debout, il continuait à planter son couteau en le lançant contre la porte en bois d’un vieux garage, je me (…)
- 8 mai 2009, par Ahmed Bengriche
RECTO
Rafle avant-hier vers les coups de quatre heures du matin dans le village. Les soldats avaient pénétré dans les maisons à coups de crosses et d’injures, extirpé les gens de leurs couches, cassé tout, déversé l’huile et la semoule sur le sol et pris dans leur foulée les hommes en habits légers, les mains sur la tête. Rapidement les femmes avaient appris qu’on les dirigeait vers le (…)
- 24 avril 2009, par Ahmed Bengriche
Il tombait une pluie de jours fériés sur la ville, très fine, continue, durable, bénigne apparemment.
La veille, on avait remis des prix aux élèves du collège et les voisins n’avaient cessé de faire du bruit durant toute la nuit. Vers l’ aube, des voitures sillonnèrent longtemps les quartiers et des voix
ivres chantonnèrent à tue-tête.
— C’est pas parce qu’on t’a pas (…)
- 23 avril 2009, par Carole Fives
C’est votre décision en tout cas, moi, je ne peux que vous conseiller de partir. Vous ne dites rien ? Qu’attendez-vous donc ? Qu’il vous tue ? Vous n’avez pas envie d’être battue, n’est-ce pas ? Qui pourrait avoir envie de ça ? Je ne sais pas, descendez dans la rue, faites un sondage, demandez aux trois premières personnes que vous rencontrez si ça leur plairait, à elles, d’être battues, vous (…)
- 22 avril 2009, par Thomas Vinau
Au début de la guerre d’Espagne, Marie est venue avec ses parents dans le sud de la France.
Son père était un gros con de l’ancien temps, qui la battait parfois comme on tape un cheval.
A douze ans, Marie s’est cassée les deux dents de devant, canine et incisive, en tombant d’un arbre. C’est un peu le gros José qui l’a poussée. En fait, il ne l’a pas vraiment poussée, mais plutôt touchée (…)
- 17 avril 2009, par Ahmed Bengriche
Dans cette vie, il faut toujours savoir ce qu’on veut, déclara Brahim à sa femme.
Il se tut.
A l’intérieur de la chambre, sous quelque meuble crissait un insecte. Brahim l’écouta un peu plus qu’il ne fallait.
C’est comme cet insecte ; il fallait pas laisser la porte ouverte ; et maintenant qu’il est là il s’agit de le faire sortir.
Le silence de nouveau. Dehors, la nuit noire (…)