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Les poèmes de la suite Letterman 

(Trilogie)

lundi 23 avril 2012, par Norbert Barbe

"I got a gun in my hand and i feel like a man
I’m the pope of my generation
I got to push myself over your goddamn walls
I don’t listen to your condemnation
Can’t you see the pain that you bring
Is only the cause of everything
"
(Marilyn Manson, "Break You Down")

I. LA CHARITÉ POUR MON JUGE

Un beau matin
Après bien des années de combats inutiles
Désespéré et vaincu dans le lit des défaites et des déroutes
Je reçus une lettre inespérée par huissier en bicyclette ou en biroute
Qui remettait en mes propres mains
L’annonce la plus surprenante qu’on m’ait jamais refilée à pied ou en automobile

Comme les poissons-clowns
Mon juge venait de devenir autre sans qu’on se l’imagine
Question de saison ou bien d’hormones
De femelle il était devenu mâle animal protogyne
Bien sûr il dût changer de nom et de vêtements
Bien qu’il conserva à l’identique son sceau son trône ses accessoires et ses émoluments

En un mot tous ses insignes du pouvoir absolu et les pièces usées qui vont avec de la Loi
Les vieilles Tables de Moïse oubliées et les Codes aux petits-poix
Toutefois je l’avoue rien à ce jour n’a vraiment changé dans ma relation avec mon juge
Il est différent mais au fond il reste la même vieille tête creuse je vous en fais juge
En tout il continue de me quereller il me nie un à un coutumiers et écrits tous mes droits
Parole que je prononce parole qu’il me réclame si je dis gauche il dit droit
Sa transformation au fond ne fut je crois que subterfuge
Pour créer l’illusion de l’indépendance qu’il escamote ou qu’il gruge

Pourtant ce changement semble l’avoir un peu déprimé
Ce jour précis entre deux audiences et un appel promptement mésestimé
Après avoir envoyé contre son consentement une autre vielle à l’hospice
Et condamné sans plus y regarder un nouvel innocent au bagne
Ni l’ébauche d’un sourire sur ses lèvres ni même l’habituelle blague
Qui impose la décision et consume l’injustice

C’est pourquoi plus encore que de coutume
Je me sens préoccupé et veux lui offrir une nouvelle chance
De faire le bien
Je veux lui donner l’écume
De la clairvoyance
L’opportunité de quitter son temple de pharisien

J’évente donc ici son secret
Espérant qu’en ces époques visiblement pour lui d’amour
Et en cette toute fraîche puberté
Qui lui pousse quelqu’un ou quelqu’une saura d’un gorille ou d’un vautour
Pour qu’un temps au moins bien loin mon juge puisse se reproduire
Et si le vent est bon avec cette autre proie et conquête à jamais migrer ou fuir

II. DESCRIPTION DE MON JUGE

Mon juge je l’ai dit n’a pas de visage
Il ne répond pas aux lettres qu’on lui envoie
Et son numéro à peine symbolique
Qui le compose tombe sur sa réception

Toutefois dans son univers de mirages
N’importe laquelle de ses mal décisions
Table écrite dans la pierre fait force loi
Songe que nous avons de la République

Lui plus abstrait que tous les dieux olympiques
Mais son pouvoir dépasse Zeus en tunique
Ennemi du bon sens et de la compassion
Vit dans le secret et la nuit comme les rats

Il ronge les Codes et les fend par le rond
Nain trompé l’écho en Cour le fait croire Roi
Il est trop petit pour que personne le voit
Muet il n’a pas reçu le don du langage

Pauvre de verbe de pensée dyslexique
Obtus l’emploi de la force est sa tactique
Sa surdité l’empêche d’ouïr les suppliques
Aveugle il ne lit pas l’instinct guide ses choix

Voici en peu de mots le portrait profond
De mon juge sans mensonge ou maquillage
Brute basse sourde aveugle illetrée tique
Qui vit sur le poil des Impôts de la Nation

Vieille bête fatiguée privée de passion
Chien sans laisse gueule blanchie par la rage
Ami des policiers pour démocratique
Non point mais de lui ils gardent ferme l’effroi

Rien ne lui plaît plus que plier l’opposition
Son règne se nourrit d’absolue soumission
Surtout il est sensible à toute adoration
Il veut sa moindre parole article de foi

Mon juge être hautement narcissique
De noir vêtu s’excite par l’humiliation
Faisant légalement bien sentir tout son poids
Privilège et supériorité sont ses croix

III. MA MÈRE ET SON JUGE

Un Chant à l’UDAF

"Y tras varios Tequilas
Las nubes se van
Pero el sol no regresa.
"
(La Quinta Estación)

Le vieil imbécile
A travaillé toute sa vie
Vingt cartes de crédit
Et un seul fils

Le vieux benêt porté en Cour
Perdu dans ses comptes
Plus compliqués que son velours
Il perd par justice ce qu’il gagne en honte

Mais voilà tout finit
Furtivement il meurt une nuit
Au matin pour s’assurer du décès les pompiers en bottes
Sur les planches du parquet le retournent comme une omelette

Mais tout a un temps toute heure sonne
Brother de ton Bully le Beatdown
Prête attention à mon Playback en Soundtrack
Récupère ton Vase de Soisson c’est mon Payback Payback

À la veuve il reste les dettes
Une tache de sang sur l’oreiller
Elle qui n’a jamais eu beaucoup de tête
Sait quand même qu’elle n’en finira jamais de payer

Au village on sait de la vaste propriété
Tous les paysans espèrent la vente à la chandelle
Jean de Florette croyait fermement en son hydraulique qu’il avait des livres empruntée
Ingénue la veuve aussi croit si elle fait tête basse le temps suffisant que la sauvera le Président ou alors Chancel

Elle se perd elle se cache
Contre les impôts et le gaz se fâche
Elle sort elle vague et vogue dans le vin de Moselle
Ou d’ailleurs elle finit vite c’est logique sous tutelle

Mais tout a un temps toute heure sonne
Brother de ton Bully le Beatdown
Prête attention à mon Playback en Soundtrack
Récupère ton Vase de Soisson c’est mon Payback Payback

Elle obtient d’un coup bébé qu’on purge
L’association des familles
Qui veille bien à lui voler jusqu’à sa dernière bille
Et ça va avec un flambant et évidemment incompétent juge

Mais tout a un temps toute heure sonne
Brother de ton Bully le Beatdown
Prête attention à mon Playback en Soundtrack
Récupère ton Vase de Soisson c’est mon Payback Payback

Six ans la vieille aura souffert
Dans son misérable enfer
Comme elle ne voulait pas quitter son bien
Ils la privèrent de tout les chiens

Le juge marron et ses sbires UDAF
De la voiture du téléphone de l’EDF
De la nourriture et du frigidaire
Elle a dû remonter ses escaliers dans la nuit noire se faisant minière

Combien de fois ils retardèrent de quinze jours le dépôt du chèque
La responsable était en vacances à Rome ou à la Mecque
Injoignable la veuve privée de téléphone
Raison si elle s’absente pour qu’ils pénètrent dans la demeure par effraction

Comme elle a la tête dure et n’entend pas la technique du bâton
Peu importe que la vieille saignée jusqu’à l’os
Ait payé tous ces crédits
Ils la jettent aux fauves de la Banque de France
Qui ressortent toutes les hypothèques mortes pour justifier une vente au plus bas prix

Mais tout a un temps toute heure sonne
Brother de ton Bully le Beatdown
Prête attention à mon Playback en Soundtrack
Récupère ton Vase de Soisson c’est mon Payback Payback

Prise au piège elle souffre comme ils disent une AVC
Mais forte bête elle se remet
Et remarche en peu de semaines
Or le prétexte est trouvé

Elle perd tout statut de personne

On la juge plus incompétente qu’avant
Et on la met bien vite en maison
Elle sort de l’hôpital en bâton
Elle entre contre sa volonté mais dite démente

En hospice va savoir d’où ou comment
En chaise roulante
Elle n’a soudain plus l’usage de ses jambes

Demandons pourquoi à la directrice
Ou au médecin traitant
Tous coïncident dans leur témoignage ils s’épaulent ils n’en savent rien
Mais comme les questions dérangent

Sans qu’on sache pourquoi là non plus on la change
Et la voici dans un autre hospice
Peu à peu elle perd l’usage
De la parole en plus des jambes

Mais tout a un temps toute heure sonne
Brother de ton Bully le Beatdown
Prête attention à mon Playback en Soundtrack
Récupère ton Vase de Soisson c’est mon Payback Payback

Ses tortionnaires
Le juge l’association des familles le mouroir
Chacun continue de recevoir
Sans faute chaque mois sa part

De l’argent pour lequel la vieille a travaillé toute sa vie mais ne verra pas un sou
Grâce à leurs lois qui comme celles du vocabulaire hibou chou genou
Restent inexplicables caillou joujou pou
Le croyez-vous
Ou caillou caillou
(Le hibou
Mange le chou
Il ne te reste plus que les genoux
Pour pleurer tes joujoux
Comme un pou
Sur un caillou
Te nourrir de cailloux
Caillou caillou caillou caillou caillou)

Huit ans après avoir été protégée
La dame faisons les comptes
Aura tout perdu ce dont on l’a allégée
De la manière la plus prompte

Avec cette ministérielle efficacité
Son salaire
Sa propriété
Sa santé

Enfin sa liberté
Sans oublier ses droits
Et sa citoyenneté
Son affaire

Au fond une de plus aura été excellente
Pour le juge
Qui gruge
Pour l’UDAF

Et son taf
Pour l’hospice
Complice
Pour le médecin

Qui n’est pas un saint
Conte fable réalité ou songe
Nous demanderions son opinion sur ces faits étranges
Qui dans la perplexité nous plongent

À Puck

Mais nous préférons en laisser juge
Le sage lecteur pour qu’il en juge
Et sur les actions d’un juge
Devine comment tombe en libre chute

Une personne protégée bien que sans luge
Glissant sur le verglas des lois
Qu’à ce qu’on voit on n’applique pas
Et de l’UDAF qui des économies des petits cochons abuse

Expurge Expurge Expurge Expurge Expurge Expurge

Mais tout a un temps toute heure sonne
Brother de ton Bully le Beatdown
Prête attention à mon Playback en Soundtrack
Récupère ton Vase de Soisson c’est mon Payback Payback

Mais tout a un temps toute heure sonne
Brother de ton Bully le Beatdown
Prête attention à mon Playback en Soundtrack
Récupère ton Vase de Soisson c’est mon Payback Payback

P.-S.

Illustration : Le juge et l’assassin, film de Bertrand Tavernier.

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