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La lumière est utilisée de manière abusive 

lundi 25 mars 2024, par Khalid EL Morabethi

Servir de la peinture rouge, encore ! un tableau tout en rouge, encore ! à un cerveau qui ne comprend pas que je porte mes papiers d’innocence comme des accusations... Je pense en mangeant mes ongles, pour nourrir ma haine, je veux qu’elle grandisse comme un horizon vu à la verticale... Je me griffe jusqu’à l’os, je dois me nourrir sans penser au goût... et ma zone de confort est une zone de guerre, je dois me nourrir comme un mouchoir tout en rouge, encore !... Et mon ombre qui ne marche plus sous le soleil, je dois me nourrir même si je hurle... ne brûle pas n’importe quoi… ne hurle pas tout le temps brûle… ne hurle pas n’importe comment… ne brûle pas tout le temps hurle…

Servir de la soupe aux choux à un cerveau qui n’a toujours pas compris qu’il faut que je me cogne la tête contre le mur, mais pas n’importe lequel, pas pour le plaisir, mais comme une sorte de prière, en fait comme si j’avais reçu trop d’amour que je ne méritais pas, alors je me cogne la tête contre un mur rouge, encore ! trois fois, trente fois... mais ce n’est pas suffisant, et je ne dois pas fermer les yeux face à cette sensation, face à cette action… c’est mon mécanisme complexe, lié à la torture de ma machine à coudre... Je ne dois laisser personne me distraire ou mettre de la pitié sur mon épaule... Il faut me laisser faire... Je ne vais pas me tuer, je ne suis pas fou, c’est juste que je ne veux pas être mou... Je me cogne contre le troisième mur de mon kidnappeur imaginaire… une tête sans pansement est un morceau de papier emporté par le courant d’air... il faut que je me réveille rempli de cailloux et sans mémoire... Il faut que quand j’ouvre les yeux, je me trouve au milieu de la mer, en train de construire des couloirs… il est trois heures du matin... dans trois minutes je me cognerai la tête contre le mur... j’attends cette belle douleur... je me suis promis un bouquet de fleurs…

Je me force à pousser la porte, alors qu’elle est ouverte depuis longtemps…
À courir sur les champs de mines plus longtemps...
A me couvrir plus lentement...
À choisir un corps, même en état de décomposition, à arracher un morceau de viande et à le recoudre plus lentement...
À danser alors qu’en réalité je me casse la figure avec un marteau tout le temps...
À être content…
À rire d’une blague racontée lors d’un enterrement - le mien ! - je pense ? - je ne me souviens plus ! - c’était il y a longtemps...

Il est 7 heures du matin depuis le début du mois de janvier... Je ne peux pas dormir tant que les chiffres ne bougent pas... Je viens de prendre un café noir avec du sel, je vais avoir soif toute la journée – est-ce grave ? est-ce la grève ?... Une robe plus près du corps... Je dois voir 9 heures clairement indiquées, sinon il ne se passera rien à 10 heures...

Je me vois toucher le visage… comme un barrage aux questions fermées… comme si j’allais à l’école pour mourir et non pour m’en sortir… comme si la violence est un papillon qui vole et non pas une fusée qui se lance… comme si la paix est accrochée près des habits … comme si l’âme ne trouve pas sa mesure... comme si l’aigu et le grave se battent jusqu’à ce que je ne sois plus qu’un murmure…

Mes mains deviennent de plus en plus tentaculaires... J’ai un rendez-vous à 11 heures … comment puis-je mettre un voile et marcher sur la terre comme si je porte un diadème ? ... le téléphone fixe sonne... J’espère qu’il n’y aura pas d’appels commerciaux aujourd’hui... Je n’ai pas le temps comme une mauvaise couture, je ne suis pas intéressé comme une aiguille collée au mur…

Un premier combat entre les consonnes et les cloches qui sonnent... Mes pensées dans un dédale insondable… Il ne faut pas parler quand je suis à table… Il ne faut surtout pas agir quand je suis capable…

Le simple acte de dire à ma ténébreuse ’’ j’ai mal au ventre" se transforme en un examen à subir, une rue sombre à parcourir... Les mots se perdent comme les têtes de mes poupées brûlées et effrayées… Je me surprends incapable de former une fausse phrase ou un mot mal prononcé… Alors je me dresse devant elle et toute ma présence est remise en cause, la main levée vers ma tête, l’autre dessinant un cercle sur mon ventre, comme une danse pathétique ou un rituel pour invoquer le hasard...
Un deuxième combat entre mes veines serrées rouges qui m’émeuvent et l’impératif de rester tout le temps calme, même quand on s’acharne sur moi avec une ceinture sélectionnée rien que pour mon cas…

Mes signaux sont des échos en difficultés visuelles... ’’Il a encore faim !’’ dit-elle... Tout le sac de glace s’effondre entre ses pieds... ’’Je dois le tuer.’’ pense-t-elle... Derrière le voile, tout son regard s’effondre sur ses lèvres... ’’Où puis-je l’enterrer ? " confie-t-elle… L’amour s’effondre en larmes dans les tréfonds de sa robe…
La voix de la sorcière résonne dans la cuisine… Aiguë je pense et hystérique comme la conscience… Le mariage de la peste et le déluge s’annonce…

La porte se referme et les claquements d’aiguilles deviennent des tentacules qui me déshabillent… Dans son atelier de couture, les rires s’installent, elle tisse des fils dans le saint noir, des sortilèges à concevoir, des berceuses pour ce soir, pour que je ne dorme pas et que le rêve corrompe l’innocent cauchemar…

Un troisième combat entre la compréhension et la soupe aux choux froide... Suis-je un témoin ou un accusé fatigué qui se tue pour avoir moins ?... Alors je reste dans la flaque cassée à regarder longtemps les spirales de mes doigts tracés... Alors la solution c’est le désespoir… Alors je dois apprendre tout seul à ouvrir les étoiles de ma mâchoire...

Un pardon inexplicable, sans raison et soudain mais sincère… ma violence est juste, normale... parfois je prends un couteau et dessine des spirales sur mon front avant de descendre le long de mon visage et de me poser sur ma joue rouge, encore ! Le sang mélangé à l’eau, le goût du violon, le goût de dîner seul à table et comme repas, du sable... le goût de l’obscurité qui goûte ma torture, pour que ça devient dure, tellement dure que ça devient un claquement de doigts invisible et froid… sauf si je ferme les yeux… en fait je ne suis pas une lumière mais une paix en guerre… et je me sens vide quand je sors les poubelles…

Servir des muscles scotchés, cartonnés et bientôt envoyés par courrier ... de beaux jardins seront créés ... des roses dans des muscles ? des muscles poussent dans des roses ? des muscles roses ? ... à un cerveau qui ne comprend pas que je peux m’asseoir à table comme une personne polie et souriante, mais qu’à l’intérieur je brûle toute la forêt sans laisser un grain de cendre ... Je me brûle avec dignité comme des couteaux cachés derrière le canapé pour que la paix soit conforme – confirmée - confortable avec son monologue de trois heures…

Dans la lumière amère, La haine ne sera jamais veuve… Je suis le mari dont les "oui ! - je suis d’accord ! - je comprends !" se font entendre comme des échos…

Est-ce que je dérange l’amour ?

Des arbres à moitié brûlés poussent plus vite que ma rancune pour les miroirs de salle de bain… Je comprends que la fumée disparaît par choix... marquant différentes versions de la naissance dessinées sur des brouillons, sur du papier toilette... Comment laisser les cicatrices en place ? mon corps est en paix, c’est de la peinture en fait, mon corps est un pont… y’a des cartes, des chemins pour arriver à un bâtiment qui ne demande qu’à être accepté... je ne suis pas en peine, c’est juste que j’aime me couper les veines en scène…

Servir des papillons imaginaires à un cerveau qui n’a toujours pas appris à éteindre la lumière deux fois... avant de sortir... avant de nourrir mon sourire... avant de brosser mes dents jusqu’à ce qu’elles saignent, trois fois… avant même que mon corps demande ses droits d’auteur, une fois... comment être pathétiquement heureux alors que je veux souffrir comme un figurant qui ne sait même pas comment prétendre, six fois… qui ne sait même pas comment mentir à soi-même devant le miroir, vingt fois… qui ne sait même pourquoi il faut se défendre, trente fois… qui ne sait même pas pourquoi les battements de son cœur sont étranges, mille fois… qui ne sait même pas comment s’éloigner du danger, à chaque fois…

Khalid EL Morabethi

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P.-S.

Khalid EL Morabethi vit, étudie, cultive son jardin au Maroc à Oujda, il crée.

PROJETS :
(TENTACULE - 2023 - atelier de l’agneau)
(EXERCICES - 2018 - atelier de l’agneau)
(GA - 2019 - Éditions Vanloo)

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