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Mon Satan 

samedi 12 septembre 2015, par Norbert Barbe

Mon Satan

Je suis l’ami de Satan

Car Dieu n’a rien fait pour moi

Ou si tu le crois

Tout à l’envers vers l’Enfer où j’attends

Ne crois pas que mon Satan est l’un de ces êtres visqueux

Il n’a rien pour tout dire d’insidieux

Il sait m’offrir les jours de neige

Et les feuilles mortes quand j’entonne

L’envie d’automne

Et que j’ai besoin que des hommes l’on m’allège

Devant une bière bien fraîche

Il tangue et siège

Et m’offre son épaule chaude comme le liège

Et liquide comme l’envie dans la dèche

Mon Satan à moi

C’est l’Autre dont il me préserve

Lorsque je ne veux qu’entrer dans le bois

Préférant soudain le loup aux fous qui bien d’autres servent

Je vis je le confesse

Entouré de trop d’idées sombres

Plus que toutes celles qui remplissent de bonnes messes

Et parfois sais-tu je vois des mains sortir de mes ombres

Et dans ce long cimetière où gisent les corbeaux

Et les gargouilles givrées veillent au repos

Et cette vie

Que tu t’arraches avec les dents

Comme le chien la croûte et le sang

Ne laissant rien que la chair malsaine et pourrie

Tu craches comme le Satan

Les flammes et le désir

Mais ton âme au fond du plaisir

Palpite plus intensément

Et la haine

Autre vieille copine

Radotte dans tes cachots

Entre de silencieux marmots

Aux queues de sirènes et d’ondines

Mais aux crocs et aux griffes de chiennes

Et après

Tu exiges ton déluge

Ta tempête et la chute

Sur tes autoroutes

Tu contemples des déroutes

Et sur l’envers des luges

Là où descend le souvenir et rouges

Les excuses sans apprêt

Constatent le viol et l’amer regret

Tu ne te proposes pas

La férocité

Mais tous t’exaspèrent

Simplement tu aimes rire

Alors tu joue au repas

Et conserve tes tristes amitiés

Celles où rien ne se perd

Parce qu’en vérité

Elles n’ont rien à donner ni à dire

Et tu es là

Pauvre bête en privé

Mais pépère tu prospère

Tout seul peut-être mais pénard ou qui sait peut-être pire

Et ce vieux couteau de peau

Que tu traînes comme un calvaire

Toile déchirée de tes revers

Tambour des vieilles rancunes et de leurs échos

Ce n’est ni le crapaud de Corbière

Ni l’albatros de Baudelaire

C’est le caniche de Vitalis

Faisant le beau pour montrer qu’il fait bien partie du cirque

Qu’on le polisse

Donc qu’on le brique

Petit sou neuf de l’envie et du désespoir

Petit esprit qui ne voit pas plus loin que son cachot noir

Et l’on fait mine de prétendre

Que nous importe le malheur des autres

Quand on ne les comprend pas les autres

Quand sans se méprendre

On n’y croit simplement pas à leur malheur

Ils peuvent jamais jamais être totalement malheureux

Ils n’ont pas l’esprit ni le temps

Pour être malheureux il ne suffit pas d’être triste

Il y faut de l’esprit et du talent

Pour vouloir sauter à chaque tour qu’on fait de cette piste

Il faut une conscience pour vomir le temps

Et de l’idée pour de tous les maux se rendre compte et faire liste

Le malheur n’est pas un moment un instantané mécontentement même affreux

C’est cette permanente inadaptation au monde de notre coeur

Alors

Nous dit-on mais qu’il est beau le parcours intellectuel

Qu’il est reluisant on s’y cache

Bien sûr

Mais à tout prendre Milord

Qu’on nous lâche

Avec les compensations du ciel

La stupidité est d’un bien-être plus sûr

Je suis

Celui qui prend d’autres chemins

Qui regarde le soleil en face

Pour cela

Je cherche une chanteuse

Et une bande

Je ne puis

Promettre les demains

Ni l’avenir des races

Je ne suis prélat

Ni politicien ni danseuse

Je regarde juste le monde et débande

Tout cela ne sont au fond que

Des mots et des Moi(s)

Comme Vénus dans sa conque

Seule la Beauté ô Rimbaud m’offre des émois

L’homme et sa race

M’afflige et me lasse

Si je le vole c’est qu’il me hérisse

Si je le plains c’est que je le méprise

Ce n’est qu’imbécile qu’il est possible qu’il agisse

Et violent qu’il s’attise

Comme le boeuf ou la génisse

Il est bête quoi qu’on en dise

Je vis dans la nuit

Et souvent je ne sais pas comment revenir au jour

Rien ne me tente tout m’ennuie

Et je trouve vides tous vos discours

Le regard du chien

Qui n’attend rien

N’est pas pour moi

Qui suis mon propre roi

J’ai toujours écris

En urgence de mon cri

Avant que demaine la néfaste société de ma vie

Ne laisse que débris

Comme on marche entre les morts

Je voudrais de leurs os faire un charnier

D’une résurrection

Comme le champignon

Qui naît du fumier

Elle te donne ce qu’elle n’a pas

Le corps de la farce

Et bon comparse

Tu sors avec ton petit courage

Rouge au point du jour dans d’autres draps

Sales pleins de poux et en nage

Sommaires comme toujours la Mort

Il n’y a pas de fin à mon poème

Lui dire que je l’aime

Et qu’il m’emporte

[À moins] que je ne l’y exhorte

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