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Lettre de Lewis Carroll à Alice Liddell 

à propos de la publication du manuscrit des Aventures d’Alice sous terre - 1885

jeudi 1er janvier 2009, par Lewis Carroll

Ma chère Mrs. Hargreaves,

J’imagine que la présente lettre, après tant d’années de silence, va vous parvenir presque comme une voix d’entre les morts ; Pourtant ces années-Ià n’ont pas réussi à affaiblir en quoi que ce fut la clarté de mon souvenir des jours où nous correspondions. Je commence à éprouver combien la mémoire défaillante d’un vieil homme est infidèle en ce qui concerne les récents événements et les nouveaux amis (par exemple, je me suis lié d’amitié, voici quelques semaines, avec une très charmante petite fille d’environ douze ans, avec qui je fis une promenade ; et maintenant, je ne parviens plus à me rappeler aucun de ses nom et prénoms !), mais l’image en mon esprit est plus vivace que jamais de celle qui fut, à travers tant d’années, mon idéale amie-enfant. Depuis votre temps, j’ai eu des vingtaines d’amies-enfants, mais avec vous, ce fut tout différent.
Cependant, ce n’est pas pour dire tout cela que je vous écris cette lettre. Voilà ce que je veux vous demander : Verriez-vous un inconvénient à ce que l’on publiât en fac-similé le cahier manuscrit original (que vous possédez toujours, je le suppose) des Aventures d’Alice ? L’idée de cette publication ne m’est venue que l’autre jour. Si, toute réflexion faite, vous en veniez à conclure que vous préféreriez que l’on s’en abstînt, cela mettrait fin au projet. Si, au contraire, vous me donniez une réponse favorable, je vous serais grandement obligé de bien vouloir me prêter le cahier (je pense qu’un envoi par lettre recommandée donnerait toute sécurité) afin que je puisse envisager toutes les possibilités de réalisation. Cela fait vingt ans que je n’ai vu ce manuscrit, de sorte que je ne suis nullement certain que les illustrations ne vont pas se révéler si horriblement mauvaises qu’il serait absurde de les reproduire.
Il n’est pas douteux que j’encoure l’accusation de vulgaire narcissisme en publiant un tel ouvrage. Mais je ne m’en soucie pas le moins du monde, sachant qu’il n’existe pas chez moi pareille faiblesse ; simplement, considérant l’extraordinaire popularité qu’ont eue les volumes (nous avons vendu plus de 120 000 exemplaires des deux livres), je pense qu’il doit y avoir un grand nombre de personnes qui aimeraient voir Alice sous sa forme originale.
Je reste votre ami fidèle.

C. L. Dogdson

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