Rédactrice en chef de la rubrique "Création littéraire", responsable des dossiers "Littérature et folie", "Journaux personnels", "Le pôle noir", "Marguerite Duras" et "Scènes islandaises".
J’ai découvert Wendy Guerra aux Assises internationales du roman. Née à la Havane en 1970, elle est poétesse, cinéaste et romancière. Diariste depuis l’enfance, sur une idée et à la demande de sa mère, elle utilise le journal intime comme matrice de son œuvre. Renonçant à publier ses journaux d’enfance sans rien en changer parce que sa propre voix lui semblait cruelle, une charge trop pesante (…)
Pessoa, poète multiple
Fernando Pessoa a toujours souffert de ne pas se sentir être. Pour lui, ce n’est pas seulement la vraie vie qui est absente, mais toute vie est absence. Il faut donc rendre visible, sensible, cette absence ontologique. A la base de chaque être, il existe un principe d’incomplétude. L’être, insuffisant, a besoin d’un autre. L’individu cherche, non pas à être reconnu, (…)
Murdo Munro vit et travaille dans les forêts de son île natale sur la côte ouest de l’Ecosse. Il s’est en apparence résigné depuis longtemps à sa solitude et à la froideur de sa femme. Vingt-cinq années que son mariage n’est qu’hostilité et humiliations. Une vie solitaire et difficile avec pour seul baume le whisky que Murdo partage avec quelques compagnons d’infortune. Le jour du mariage de (…)
La neige est entrée dans le gymnase aussi mal refermé qu’une plaie. Elle a recouvert les hurlements des enfants. Une femme s’approche en titubant. Si elle est ivre, c’est de son malheur. Elle arrive sous le panneau de basket où la bombe la plus meurtrière avait été placée. Elle s’agenouille devant le mur, désormais décoré d’une petite fleur de sang, le caresse et lui parle. Elle balance (…)
Toute sa vie, et spécialement durant les années qui précédèrent son internement, Antonin Artaud n’a cessé de réfléchir à la question de l’énonciation et de son sujet dans le théâtre occidental, celle du théâtre et de son double. C’est dans cette question qu’il a trouvé comme la réalisation plastique et physique sur « le terrain organique de la scène », « l’expression dynamique et dans l’espace (…)
Les premières pages du dernier roman de Sylvie Germain, L’inaperçu, nous disent d’emblée que les choses ne sont pas ce qu’elles ont l’air d’être et qu’il ne va pas être facile de démêler l’écheveau identitaire de cette famille Bérynx….
Une femme vêtue de noir marche d’un pas rapide le long des berges d’un fleuve, elle est transie de froid, porte un fardeau et s’approche dangereusement de (…)
J’ai connu la dame aux sangliers lorsque j’étais enfant et j’eus même (fait très exceptionnel !) la permission maternelle de séjourner chez elle. Pendant le court laps de temps qui me fut laissé, j’observais à loisir cette femme surprenante qui marqua fortement mon imagination enfantine.
Je devais avoir sept ou huit ans lors de cette aventure. La présence de deux garçons de mon âge n’était (…)
La Traversée des Alpes est un roman baroque qui plonge le lecteur ravi (les deux acceptions du terme conviennent !) dans un univers fantastique et foisonnant. Denitza Bantcheva songe moins à toucher le cœur qu’à exciter l’esprit de ses lecteurs par la vivacité de ses jugements, le comique et parfois le burlesque des situations. Ce roman, tout à fait original et inactuel n’est pas sans rappeler (…)
Lorsqu’on découvre l’oeuvre d’Emmanuel Bove, on est frappé par une vision désespérée et désespérante de l’existence. L’homme apparaît comme une marionnette usée et désarticulée qui ne prend forme humaine qu’en s’agitant de façon absurde. Il se débat mais ne parvient jamais à se libérer de ses fils qui sont à la fois sources de vie et causes de souffrances. S’il est une constante chez Bove, (…)
Il m’a dit de l’appeler Igor, pour ne pas attirer l’attention. Blond aux yeux clairs, il pouvait avoir l’air d’un Russe. Il m’a fait monter dans une Volga noire, toute neuve, et il m’a conduite dans un village de la banlieue de Moscou. Nous sommes arrivés dans une petite maison délabrée. Un couloir étroit, une cuisine, les toilettes dans la cour. Dans le couloir, à gauche, il y avait la (…)