La Revue des Ressources
Accueil > Idées > Biosystèmes critiques > Qui sème le vent… (retour sur le procès Baumaux - Kokopelli)

Qui sème le vent… (retour sur le procès Baumaux - Kokopelli) 

lundi 12 novembre 2012, par Bernard Pasobrola

L’Europe prépare une réforme générale de la législation sur le commerce des semences. La réforme soulève évidemment la question des brevets déposés sur les semences (près de 2000 à ce jour) par les géants de l’agro-industrie comme l’américain Monsanto ou le suisse Syngenta. On sait par exemple que ces deux firmes détiennent à elles seules plus de 60% des variétés de tomates et de poivrons protégées dans l’Union européenne et près de trois quarts des variétés de choux-fleurs. Le choix du gouvernement français pour le représenter auprès de la commission européenne s’est porté sur Mme Isabelle Clément-Nissou, l’une des collaboratrices du GNIS (groupement National Interprofessionnel des Semences et plants [1]). Les membres de cette organisation qui gère le catalogue français des espèces et variétés ne sont pas, bien entendu, des petits paysans, mais de gros semenciers. D’ailleurs, que dit le fameux catalogue adossé au droit français ? Il dit que toute semence qui n’y est pas inscrite est interdite à la vente, mais aussi à l’échange entre paysans. Le ministère de l’agriculture assimile cette pratique à des ventes dissimulées.

Pour la commission européenne, seuls les industriels du secteur sont dignes d’être écoutés. Tous les autres pourvoyeurs de semences – artisans semenciers, paysans et jardiniers – sont délibérément ignorés. En conséquence, ceux qui s’attachent à préserver la biodiversité, qui produisent par passion et non par goût du lucre, ne seront pas représentés à la table de négociation. En fait, on aimerait sans aucun doute les voir disparaître, les annihiler. C’est le cas, par exemple d’une association sise à Alès (Gard), l’Association Kokopelli dont la survie pourrait être compromise. Depuis une vingtaine d’années, Kokopelli défend le patrimoine semencier européen sans la moindre subvention publique et distribue environ 1 500 semences potagères issues de variétés anciennes, paysannes ou rares.

Kokopelli a décidé de braver la loi qui contraint le producteur à déclarer chacune de ses variétés au catalogue officiel des semences potagères. Pour l’association qui a emprunté le nom du dieu inca de la fertilité, il s’agit avant tout d’exprimer un désaccord avec ces réglementations qui limitent le choix des agriculteurs aux semences hybrides, hyper productives et formatées [2].

En 2005, la Société Graines Baumaux, un semencier français (CA de 14 millions et résultat net de 2 millions d’€uros en 2001) attaque la petite association pour « concurrence déloyale ». Au terme de ce procès, Kokopelli est condamnée à 10 000 euros d’amende. L’association fait appel et saisit également la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) afin de vérifier la légalité de la réglementation sur la commercialisation des semences au regard de la Charte des droits fondamentaux de l’Union.

Le 19 janvier dernier, l’Avocate Générale de la CJUE donne raison à Kokopelli, estimant que l’enregistrement obligatoire de toutes les semences au catalogue officiel est disproportionné et viole les principes de libre exercice de l’activité économique, de non-discrimination et de libre circulation des marchandises. Elle admet la possibilité d’un « étiquetage permettant d’assurer l’information et la protection du consommateur, lorsque la variété de semences ne répond pas aux exigences du catalogue des variétés  ». Ses conclusions soulignent également que «  la diversité biologique ou biodiversité est en nette régression dans l’agriculture. (…) Quelques variétés dominent en revanche dans les champs (…) Dès à présent, le choix du consommateur final est déjà restreint en ce qui concerne les produits agricoles. »

Pourtant, en juillet dernier, au terme d’une analyse manifestement partisane et ultra productiviste, la Cour juge que l’interdiction du commerce des semences de variétés anciennes poursuit l’objectif « supérieur » d’une « productivité agricole accrue » (expression utilisée 15 fois dans la décision). Seul l’enregistrement au régime officiel permettrait donc une « utilisation de semences appropriées et, par conséquent, une productivité accrue de l’agriculture, fondée sur la fiabilité des caractéristiques desdites semences ». Kokopelli est alors condamnée à cesser ses activités et à payer à l’entreprise Baumaux 100 000 euros de dommages-intérêts pour « concurrence déloyale » [3].

Fermement décidée à poursuivre son combat [4], l’association Kokopelli dénonce l’hypocrisie de tels arguments, arguant que « l’inscription au Catalogue ne vise pas à protéger les consommateurs contre un quelconque risque sanitaire ou environnemental, auquel la législation ne fait même pas référenceCette remarque, surtout, est choquante, quand on pense que les semences du Catalogue, enrobées des pesticides Cruiser, Gaucho et autres Régent, ou accompagnées de leur kit de chimie mortelle, empoisonnent la biosphère et les populations depuis plus de cinquante ans !  » Car la plupart des semences cataloguées ne peuvent produire que grâce aux « béquilles chimiques » adaptées.

Alors que le gouvernement français se fait représenter aux négociations de Bruxelles par le lobby des sélectionneurs du GNIS, la Cour de justice de l’Union européenne délivre un blanc-seing à l’industrie semencière et à l’agrochimie pour poursuivre leur activité de destruction de la biodiversité, destruction qui selon la FAO aurait déjà atteint la proportion de 75% en Europe.

Stabilité et homogénéité sont les caractéristiques principales exigées par les sélectionneurs pour inscrire les semences au catalogue officiel. Or les semences paysannes sont riches de leur polymorphisme génétique et de leur adaptabilité aux différents terroirs et aux variations climatiques. Si elles font défaut, il devient impossible d’abandonner l’usage des engrais et pesticides industriels. Au-delà des intérêts financiers, les enjeux du procès intenté par la société Baumaux à l’association Kokopelli sont loin d’être anodins. L’étape suivante se déroulera l’année prochaine à la cour d’appel de Nancy.

Notes

[1Mme Clément-Nissou est chargée de la « promotion du secteur des semences végétales et diffusion du savoir-faire français à l’étranger » au sein du GNIS.

[2Pour un exposé détaillé de la position de l’association Kokopelli : http://kokopelli-semences.fr/juridique/proces_perdu

[3Interview de Blanche Magarinos-Rey, avocate de l’association, par Radio Zinzine https://www.youtube.com/watch?v=6GMJi4o44l8

[4Un certain nombre de pétitions circulent sur Internet, mais l’association Kokopelli les a désavouées : http://www.kokopelli-semences.fr/actualits/les_petitions

1 Message

  • Pour information !

    Concernant les pétitions, voici un débat intéressent entre M. Alain Uguen (cyber@cteurs) et M. Dominique Guillet (Kokopeli)

    1) " commentaire actuellement présent dans le forum de la pétition cyber@cteurs "

    Les Pétitions : les psychopathes prédateurs s’en torchent leur barbecul

    Suite au jugement scandaleux de la Cour Européenne de Justice — qui prouve une fois de plus que ces institutions Européennes sont complètement corrompues et à la botte des banskters, du Cartel de la Chimie, des multinationales biocidaires et autres marionnettes politiques — certains amis de Kokopelli ont pensé qu’il était adéquat de relancer des énièmes pétitions pour la défense des semences libres.

    Qu’il soit, donc, bien clair que l’Association Kokopelli ne cautionne, en aucune manière, la pétition lancée par Cyberacteurs et, cent mille fois moins, celle lancée par Avaaz. J’ai déjà exprimé — dans l’un de mes articles sur l’arnaque du réchauffement climatique anthropique — ce que je pensais de cette organisation bien ancrée dans la mouvance de l’opposition contrôlée et créée par Ricken Patel qui fut consultant pour l’ONU, la Fondation Rockefeller, la Fondation Bill Gates…

    N’est-il pas évident, après tant d’années de lutte, que les pétitions, les psychopathes prédateurs s’en torchent leur barbecul sur leurs pelouses transgéniques ?

    Le jugement de la Cour Européenne de Justice est totalement en phase avec les délires génocidaires de la clique criminelle du complexe militaro-industriel qui ruine les peuples par des dettes nationales générées ex-nihilo, fomente des guerres "libératrices", détruit l’intégralité de la biosphère et assassine l’humanité.

    Vandana Shiva — qui sera présente lors de notre Festival Kokopelli/Pachamama au Pérou — a récemment évoqué l’offensive généralisée des multinationales de l’agro-chimie dans les pays dits "émergents". Aux USA, Monsanto et les multinationales biotechs, tentent de faire passer, au Congrès, un décret qui les mettrait au-dessus de toutes les lois. Quant à l’Europe, elle continue de se transformer en poubelle cancérigène sous l’assaut de l’agriculture toxique et du Cartel Nucléaire.

    Et pour ne pas évoquer un sujet tabou — la contamination radioactive de toute la chaine alimentaire planétaire — une première ferme bio, en Oregon, selon l’expert nucléaire Arnie Gundersen, a fermé ses portes en raison de la contamination radioactive de ses sols. Et le Japon se meurt inexorablement de Fukushima, l’oubliée des médias à la solde de la mafia. Tout comme les citoyens de la côte ouest US, tout comme les peuples de la planète…, mourront inexorablement de Fukushima le jour où son réacteur 4 s’effondrera.

    Très chères Amies et Amis de Kokopelli et de la Vie, pensez-vous vraiment que nous allons neutraliser les criminels psychopathes et prédateurs avec de mignonnettes pétitions ?

    Les Peuples de cette belle Planète, notre Terre-Mère, apprendront-ils un jour qu’une société qui ne peut pas discerner et éliminer, par tous les moyens possibles, la psychopathie, en son sein, n’est tout simplement pas digne de survivre ?

    Il est vrai que la Rage monte, que certains Peuples se réveillent (en Islande, les banquiers mafieux sont en prison) mais il ne reste que peu de temps. L’Humanité est dans une situation critique de légitime défense car les psychopathes dégénérés ont déclaré la guerre à la Vie — une guerre totale et terminale — et ils iront jusqu’au bout de leur démence meurtrière.

    Quant à Kokopelli, ce n’est ni la Cour Européenne de Justice, ni le GNIS, ni Baumaux, ni la clique génocidaire qui s’est donné comme mission d’éradiquer la Vie de notre belle Planète, qui nous empêcheront de continuer notre travail de protection de la biodiversité alimentaire : un travail de 20 années dans le non-respect total de leur illégalité mortifère.

    Dominique Guillet. Le 22 juillet 2012.
    Posté par Dominique Guillet
    Le 25/07/2012 à 12:09:45

    2) " commentaire actuellement présent dans le forum de la pétition cyber@cteurs "

    "Qui crache au vent se salit la figure"

    Cher Dominique,

    Comme nous sommes attachés au débat, j’ai mis ton texte et cette réponse dans les commentaires de la pétition

    Merci de nous avoir qualifié d’amis de Kokopelli et d’avoir utilisé un comparatif ("cent mille fois moins") plutôt positif à l’égard de Cyber Acteurs par rapport à une organisation Etats-Unienne.

    Nos deux associations étant nées à la même période (1999-2000), nous pouvons dire que ni l’une ni l’autre n’a besoin de la caution de l’autre pour exister.

    Nous partageons à l’évidence un certain nombre de combats (contre les lobbies de l’agro-chimie ou du nucléaire) sans pour autant avoir la même vision ni utiliser les mêmes termes. Et le fait de ne pas en partager d’autres ne doit pas nous empêcher de mener les combats partagés ensemble car les divisions profitent toujours à ceux qui veulent règner.

    Nous n’avons pas besoin de la caution de Kokopelli pour continuer à défendre la biodiversité dans tous les domaines et tu n’as pas besoin de notre caution pour qualifier nos adversaires communs comme bon te semble même si l’outrance ne me semble pas le meilleur moyen de démontrer la pertinence de nos propos.

    Par contre je voudrais attirer ton attention sur le danger qu’il y a à jeter le bébé avec l’eau du bain. Il en est de nos actions comme de tes petites graines : ce sont des semences par lesquelles des hommes et des femmes qui croient en un avenir meilleur espèrent préserver les générations futures de l’emprise du profit à outrance. Condamner les unes au motif que la première pétition de 21 000 signatures que nous avions confiées à votre avocate n’a pas produit les effets escomptés c’est prendre aussi le risque de condamner les semences qui n’ont pas non plus l’aval du politiquement correct où les lobbies font la loi.

    Ajouter ta voix au concert orchestré par les lobbies prêts à payer très cher des prétendus experts pour discréter nos actions par tous les moyens y compris sur nos forums, blogs ou listes de discussion ne me parait pas un service à rendre.

    Comme dit un proverbe turc "Qui crache au vent se salit la figure."

    A Cyber @cteurs nous continuerons à mener notre travail d’inform’action parce qu’aussi dérisoires que peuvent paraitre les bonnes nouvelles que nous enregistrons deci delà dans les actions menées, elles portent en germe les victoires que les mouvements citoyens parviennent à imposer à force d’opiniatreté en utilisant tous les moyens à leur disposition y compris nos pétitions et cyber @ctions qui leur permettent d’interpeller les décideurs économiques ou politiques.

    Alain Uguen
    25/07/12

    Posté par Alain Uguen
    Le 25/07/2012 à 12:11:15

    3) " indiquez dans la newsletter de Cyber@cteurs envoyé et visé par Alain Uguen "

    Le 26 Dominique Guillet me répond
    Cher Alain,
    On s’aime , pas de soucis
    S’il n’y avait eu que ta pétition… mais je pense qu’il y en avait trois ou quatre sur la table dont mes ennemis Avaaz.
    Quant à l’outrance : le ton de mon mail laisse peu à penser que je prête ma voix aux lobbies. D’ailleurs le lendemain, les RG téléphonaient chez Kokopelli.
    Bises
    Dominique

    Ne pas être d’accord sur tout ne doit pas nous empêcher de continuer à défendre des militants quand ils défendent des points de vue communs aux nôtres.
    La pétition pour Kokopelli reste donc en ligne

    4) La pétition de cyber@acteurs fait donc toujours fois ! Merci de le préciser et surtout de la diffuser ! Actuellement, il y’a 12 227 signatures !!!

    Voici le lien : http://www.cyberacteurs.org/cyberactions/soutien-kokopelli-498.html

    Cordialement

© la revue des ressources : Sauf mention particulière | SPIP | Contact | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0 | La Revue des Ressources sur facebook & twitter