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De la misère en milieu étudiant considérée sous ses aspects économique, politique, psychologique, sexuel et notamment intellectuel et de quelques moyens pour y remédier  

publié en 1966 (partie 3)

octobre 2002, par Internationale situationniste

Créer enfin la situation qui rende impossible tout retour en arrière

" Etre d’avant-garde, c’est marcher au pas de la réalité ". La critique radicale du monde moderne doit avoir maintenant pour objet et pour objectif la " totalité ". Elle doit porter indissolublement sur son passé réel, sur ce qu’il est effectivement et sur les perspectives de sa transformation. C’est que, pour pouvoir dire toute la vérité du monde actuel et, a fortiori, pour formuler le projet de sa subversion totale, il faut être capable de révéler toute son histoire cachée, c’est à dire regarder d’une façon totalement démystifiée et fondamentalement critique, l’histoire de tout le mouvement révolutionnaire international, inaugurée voilà plus d’un siècle par le prolétariat des pays d’Occident, ses " échecs " et ses " victoires ". " Ce mouvement contre l’ensemble de l’organisation du vieux monde est depuis longtemps fini " et a échoué. Sa dernière manifestation historique étant la défaite de la révolution prolétarienne en Espagne (à Barcelone, en mai 1937). Cependant, ses " échecs " officiels, comme ses " victoires " officielles, doivent être jugés à la lumière de leurs prolongements, et leurs vérités rétablies. Ainsi, nous pouvons affirmer qu’ "il y a des défaites qui sont des victoires et des victoires plus honteuses que des défaites " (Karl Liebknecht à la veille de son assassinat). La première grande " défaite " du pouvoir prolétarien, la Commune de Paris, est en réalité sa première grande victoire car, pour la première fois, le Prolétariat primitif a affirmé sa capacité historique de diriger d’une façon libre tous les aspects de la vie sociale. De même que sa première grande " victoire ", la révolution bolchevique, n’est en définitive que sa défaite la plus lourde de conséquences. Le triomphe de l’ordre bolchevik coïncide avec le mouvement de contre-révolution internationale qui commença avec l’écrasement des Spartakistes par la " Social-démocratie " allemande. Leur triomphe commun était plus profond que leur opposition apparente, et cet ordre bolchevik n’était, en définitive, qu’un déguisement nouveau et une figure particulière de l’ordre ancien. Les résultats de la contre-révolution russe furent, à l’intérieur, l’établissement et le développement d’un nouveau mode d’exploitation, le capitalisme bureaucratique d’Etat et, à l’extérieur, la multiplication des sections de l’Internationale dite communiste, succursales destinées à le défendre et à répandre son modèle. Le capitalisme, sous ses différentes variantes bureaucratiques et bourgeoises, florissait de nouveau sur les cadavres des marins de Kronstadt et des paysans d’Ukraine, des ouvriers de Berlin, Kiel, Turin, Shanghaï, et plus tard de Barcelone.

La IIIe Internationale, apparemment créée par les Bolcheviks pour lutter contre les débris de la social-démocratie réformiste de la IIe Internationale, et grouper l’avant-garde prolétarienne dans les " partis communistes révolutionnaires ", était trop liée à ses créateurs et à leurs intérêts pour pouvoir réaliser, où que ce soit, la véritable révolution socialiste. En fait la IIe Internationale était la vérité de la IIIe. Très tôt, le modèle russe s’imposa aux organisations ouvrières d’Occident, et leurs évolutions furent une seule et même chose. A la dictature totalitaire de la Bureaucratie, nouvelle classe dirigeante, sur le prolétariat russe, correspondait au sein de ces organisations la domination d’une couche de bureaucrates politiques et syndicaux sur la grande masse des ouvriers, dont les intérêts sont devenus franchement contradictoires avec les siens. Le monstre stalinien hantait la conscience ouvrière, tandis que le Capitalisme, en voie de bureaucratisation et de surdéveloppement, résolvait ses crises internes et affirmait tout fièrement sa nouvelle victoire, qu’il prétend permanente. Une même forme sociale, apparemment divergente et variée, s’empare du monde, et les principes du vieux monde continuent à gouverner notre monde moderne. Les morts hantent encore les cerveaux des vivants.

Au sein de ce monde, des organisations prétendument révolutionnaires ne font que le combattre apparemment, sur son terrain propre, à travers les plus grandes mystifications. Toutes se réclament d’idéologies plus ou moins pétrifiées, et ne font en définitive que participer à la consolidation de l’ordre dominant. Les syndicats et les partis politiques forgés par la classe ouvrière pour sa propre émancipation sont devenus de simples régulateurs du système, propriété privée de dirigeants qui travaillent à leur émancipation particulière et trouvent un statut dans la classe dirigeante d’une société qu’ils ne pensent jamais mettre en question. Le programme réel de ces syndicats et partis ne fait que reprendre platement la phraséologie " révolutionnaire " et appliquer en fait les mots d’ordre du réformisme le plus édulcoré, puisque le capitalisme lui-même se fait officiellement réformiste. Là où ils ont pu prendre le pouvoir - dans des pays plus arriérés que la Russie - ce n’était que pour reproduire le modèle stalinien du totalitarisme contre-révolutionnaire. Ailleurs, ils sont le complément statique à l’autorégulation du Capitalisme bureaucratisé ; la contradiction indispensable au maintien de son humanisme policier. D’autre part, ils restent, vis-à-vis des masses ouvrières, les garants indéfectibles et les défenseurs inconditionnels de la contre-révolution bureaucratique, les instruments dociles de sa politique étrangère. Dans un monde fondamentalement mensonger, ils sont les porteurs du mensonge le plus radical, et travaillent à la pérennité de la dictature universelle de l’Economie et de l’Etat. Comme l’affirment les situationnistes, " un modèle social universellement dominant, qui tend à l’autorégulation totalitaire, n’est qu’apparemment combattu par des fausses contestations posées en permanence sur son propre terrain, illusions qui, au contraire, renforcent ce modèle. Le pseudo-socialisme bureaucratique n’est que le plus grandiose de ces déguisements du vieux monde hiérarchique du travail aliéné ". Le syndicalisme étudiant n’est dans tout cela que la caricature d’une caricature, la répétition burlesque et inutile d’un syndicalisme dégénéré.

La dénonciation théorique et pratique du stalinisme sous toutes ses formes doit être la banalité de base de toutes les futures organisations révolutionnaires. Il est clair qu’en France, par exemple, où le retard économique recule encore la conscience de la crise, le mouvement révolutionnaire ne pourra renaître que sur les ruines du stalinisme anéanti. La destruction du stalinisme doit devenir le delenda Carthago de la dernière révolution de la préhistoire.

Celle-ci doit elle-même rompre définitivement , avec sa propre préhistoire, et tirer toute sa poésie de l’avenir. Les " Bolcheviks ressuscités " qui jouent la farce du " militantisme " dans les différents groupuscules gauchistes, sont des relents du passé, et en aucune manière n’annoncent l’avenir. Epaves du grand naufrage de la " révolution trahie ", ils se présentent comme les fidèles tenants de l’orthodoxie bolchevique : la défense de l’U.R.S.S. est leur indépassable fidélité et leur scandaleuse démission.

Ils ne peuvent plus entretenir d’illusions que dans les fameux pays sous-développés où ils entérinent eux-mêmes le sous-développement théorique. De Partisans (organe des stalino-trotskismes réconciliés) à toutes les tendances et demi tendances qui se disputent " Trotsky " à l’intérieur et à l’extérieur de la Ive Internationale, règne une même idéologie révolutionnaire, et une même incapacité pratique et théorique de comprendre les problèmes du monde moderne. Quarante années d’histoire contre-révolutionnaire les séparent de la Révolution. Ils ont tort parce qu’ils ne sont plus en 1920 et, en 1920, ils avaient déjà tort. La dissolution du groupe " ultra-gauchiste " Socialisme ou Barbarie après sa division en deux fractions, " moderniste cardaniste " et " vieux marxiste " (de Pouvoir Ouvrier ), prouve, s’il en était besoin, qu’il ne peut y avoir de révolution hors du moderne, ni de pensée moderne hors de la critique révolutionnaire à réinventer. Elle est significative en ce sens que toute séparation entre ces deux aspects retombe inévitablement soit dans le musée de la Préhistoire révolutionnaire achevée, soit dans la modernité du pouvoir, c’est-à-dire dans la contre-révolution dominante : Voix ouvrière ou Arguments.

Quant aux divers groupuscules " anarchistes ", ensemble prisonniers de cette appellation, ils ne possèdent rien d’autre que cette idéologie réduite à une simple étiquette. L’incroyable "Monde Libertaire", évidemment rédigé par des étudiants, atteint le degré le plus fantastique de la confusion et de la bêtise. Ces gens-là tolèrent effectivement tout, puisqu’ils se tolèrent les uns les autres.

La société dominante, qui se flatte de sa modernisation permanente, doit maintenant trouver à qui parler, c’est-à-dire à la négation modernisée qu’elle produit elle-même : " Laissons maintenant aux morts le soin d’enterrer leurs morts et de les pleurer. " Les démystifications pratiques du mouvement historique débarrassent la conscience révolutionnaire des fantômes qui la hantaient ; la révolution de la vie quotidienne se trouve face à face avec les tâches immenses qu’elle doit accomplir. La révolution, comme la vie qu’elle annonce, est à réinventer. Si le projet révolutionnaire reste fondamentalement le même : l’abolition de la société de classes, c’est que, nulle part, les conditions dans lesquelles il se forme n’ont été radicalement transformées. Il s’agit de le reprendre avec un radicalisme et une cohérence accrus par l’expérience de la faillite de ses anciens porteurs, afin d’éviter que sa réalisation fragmentaire n’entraîne une nouvelle division de la société.

La lutte entre le pouvoir et le nouveau prolétariat ne pouvant se faire que sur la totalité, le futur mouvement révolutionnaire doit abolir, en son sein, tout ce qui tend à reproduire les produits aliénés du système marchand : il doit en être, en même temps, la critique vivante et la négation qui porte en elle tous les éléments du dépassement possible. Comme l’a bien vu Lukács (mais pour l’appliquer à un objet qui n’en était pas digne : le parti bolchevik), l’organisation révolutionnaire est cette médiation nécessaire entre la théorie et la pratique, entre l’homme et l’histoire, entre la masse des travailleurs et le prolétariat constitué en classe . Les tendances et divergences " théoriques " doivent immédiatement se transformer en question d’organisation si elles veulent montrer la voie de leur réalisation. La question de l’organisation sera le jugement dernier du nouveau mouvement révolutionnaire, le tribunal devant lequel sera jugée la cohérence de son projet essentiel : la réalisation internationale du pouvoir absolu des Conseils Ouvriers , tel qu’il a été esquissé par l’expérience des révolutions prolétariennes de ce siècle. Une telle organisation doit mettre en avant la critique radicale de tout ce qui fonde la société qu’elle combat, à savoir : la production marchande, l’idéologie sous tous ses déguisements, l’Etat et les scissions qu’il impose.

La scission entre théorie et pratique a été le roc contre lequel a buté le vieux mouvement révolutionnaire. Seuls, les plus hauts moments des luttes prolétariennes ont dépassé cette scission pour retrouver leur vérité. Aucune organisation n’a encore sauté ce Rhodus. L’idéologie, si " révolutionnaire " qu’elle puisse être, est toujours au service des maîtres, le signal d’alarme qui désigne l’ennemi déguisé. C’est pourquoi la critique de l’idéologie doit être, en dernière analyse, le problème central de l’organisation révolutionnaire. Seul, le monde aliéné produit le mensonge, et celui-ci ne saurait réapparaître à l’intérieur de ce qui prétend porter la vérité sociale, sans que cette organisation ne se transforme elle-même en un mensonge de plus dans un monde fondamentalement mensonger.

L’organisation révolutionnaire qui projette de réaliser le pouvoir absolu des Conseils Ouvriers doit être le milieu où s’esquissent tous les aspects positifs de ce pouvoir. Aussi doit-elle mener une lutte à mort contre la théorie léniniste de l’organisation. La révolution de 1905 et l’organisation spontanée des travailleurs russes en Soviets était déjà une critique en actes de cette théorie néfaste. Mais le mouvement bolchevik persistait à croire que la spontanéité ouvrière ne pouvait dépasser la conscience " trade-unioniste ". Ce qui revenait à décapiter le prolétariat pour permettre au parti de prendre la " tête " de la Révolution. On ne peut contester, aussi impitoyablement que l’a fait Lénine, la capacité historique du prolétariat de s’émanciper par lui-même, sans contester sa capacité de gérer totalement la société future. Dans une telle perspective, le slogan " tout le pouvoir aux Soviets " ne signifiait rien d’autre que la conquête des Soviets par le Parti, l’instauration de l’Etat du parti à la place de " l’Etat " dépérissant du prolétariat en armes.

C’est pourtant ce slogan qu’il faut reprendre radicalement et en le débarrassant des arrière-pensées bolcheviques. Le prolétariat ne peut s’adonner au jeu de la révolution que pour gagner tout un monde, autrement il n’est rien. La forme unique de son pouvoir, l’autogestion généralisée, ne peut être partagée avec aucune autre force. Parce qu’il est la dissolution effective de tous les pouvoirs, il ne saurait tolérer aucune limitation (géographique ou autre) ; les compromis qu’il accepte se transforment immédiatement en compromissions, en démission. " L’autogestion doit être à la fois le moyen et la fin de la lutte actuelle. Elle est non seulement l’enjeu de la lutte, mais sa forme adéquate. Elle est pour elle-même la matière qu’elle travaille et sa propre présupposition ".

La critique unitaire du monde est la garantie de la cohérence et de la vérité de l’organisation révolutionnaire. Tolérer l’existence des systèmes d’oppression (parce qu’ils portent la défroque " révolutionnaire ", par exemple), dans un point du monde, c’est reconnaître la légitimité de l’oppression. De même, si elle tolère l’aliénation dans un domaine de la vie sociale, elle reconnaît la fatalité de toutes les réifications. Il ne suffit pas d’être pour le pouvoir abstrait des Conseils Ouvriers, mais il faut en montrer la signification concrète : la suppression de la production marchande et donc du prolétariat. La logique de la marchandise est la rationalité première et ultime des sociétés actuelles, elle est la base de l’autorégulation totalitaire de ces sociétés comparables à des puzzles dont les pièces, si dissemblables en apparence, sont en fait équivalentes. La réification marchande est l’obstacle essentiel à une émancipation totale, à la construction libre de la vie. Dans le monde de la production marchande, la praxis ne se poursuit pas en fonction d’une fin déterminée de façon autonome, mais sous les directives de puissances extérieures. Et si les lois économiques semblent devenir des lois naturelles d’une espèce particulière, c’est que leur puissance repose uniquement sur " l’absence de conscience de ceux qui y ont part ".

Le principe de la production marchande, c’est la perte de soi dans la création chaotique et inconsciente d’un monde qui échappe totalement à ses créateurs. Le noyau radicalement révolutionnaire de l’autogestion généralisée, c’est, au contraire, la direction consciente par tous de l’ensemble de la vie. L’autogestion de l’aliénation marchande ne ferait de tous les hommes que les programmateurs de leur propre survie : c’est la quadrature du cercle. La tâche des Conseils Ouvriers ne sera donc pas l’autogestion du monde existant, mais sa transformation qualitative ininterrompue : le dépassement concret de la marchandise (en tant que gigantesque détour de la production de l’homme par lui-même).

Ce dépassement implique naturellement la suppression du travail et son remplacement par un nouveau type d’activité libre, donc l’abolition d’une des scissions fondamentales de la société moderne, entre un travail de plus en plus réifié et des loisirs consommés passivement. Des groupuscules aujourd’hui en liquéfaction comme S. ou B. ou P.O., pourtant ralliés sur le mot d’ordre moderne du Pouvoir Ouvrier, continuent à suivre, sur ce point central, le vieux mouvement ouvrier sur la voie du réformisme du travail et de son " humanisation ". C’est au travail lui-même qu’il faut s’en prendre. Loin d’être une " utopie ", sa suppression est la condition première du dépassement effectif de la société marchande, de l’abolition - dans la vie quotidienne de chacun - de la séparation entre le " temps libre " et le " temps de travail ", secteurs complémentaires d’une vie aliénée, où se projette indéfiniment la contradiction interne de la marchandise entre valeur d’usage et valeur d’échange. Et c’est seulement au-delà de cette opposition que les hommes pourront faire de leur activité vitale un objet de leur volonté et de leur conscience, et se contempler eux-mêmes dans un monde qu’ils ont eux-mêmes créé. La démocratie des Conseils Ouvriers est l’énigme résolue de toutes les scissions actuelles. Elle rend " impossible tout ce qui existe en dehors des individus ".

La domination consciente de l’histoire par les hommes qui la font, voilà tout le projet révolutionnaire. L’histoire moderne, comme toute l’histoire passée, est le produit de la praxis sociale, le résultat - inconscient - de toutes les activités humaines. A l’époque de sa domination totalitaire, le capitalisme a produit sa nouvelle religion : le spectacle. Le spectacle est la réalisation terrestre de l’idéologie. Jamais le monde n’a si bien marché sur la tête. " Et comme la critique de la religion, la critique du spectacle est aujourd’hui la condition première de toute critique ".

C’est que le problème de la révolution est historiquement posé à l’humanité. L’accumulation de plus en plus grandiose des moyens matériels et techniques n’a d’égale que l’insatisfaction de plus en plus profonde de tous. La bourgeoisie et son héritière à l’Est, la bureaucratie, ne peuvent avoir le mode d’emploi de ce surdéveloppement qui sera la base de la poésie de l’avenir, justement parce qu’elles travaillent, toutes les deux, au maintien d’un ordre ancien. Elles ont tout au plus le secret de son usage policier. Elles ne font qu’accumuler le Capital et donc le prolétariat ; est prolétaire celui qui n’a aucun pouvoir sur l’emploi de sa vie, et qui le sait. La chance historique du nouveau prolétariat est d’être le seul héritier conséquent de la richesse sans valeur du monde bourgeois, à transformer et à dépasser dans le sens de l’homme total poursuivant l’appropriation totale de la nature et de sa propre nature. Cette réalisation de la nature de l’homme ne peut avoir de sens que par la satisfaction sans bornes et la multiplication infinie des désirs réels que le spectacle refoule dans les zones lointaines de l’inconscient révolutionnaire, et qu’il n’est capable de réaliser que fantastiquement dans le délire onirique de sa publicité. C’est que la réalisation effective des désirs réels, c’est-à-dire l’abolition de tous les pseudo-besoins et désirs que le système crée quotidiennement pour perpétuer son pouvoir, ne peut se faire sans la suppression du spectacle marchand et son dépassement positif.

L’histoire moderne ne peut être libérée, et ses acquisitions innombrables librement utilisées, que par les forces qu’elle refoule : les travailleurs sans pouvoir sur les conditions, le sens et le produit de leurs activités. Comme le prolétariat était déjà, au XIXe siècle, l’héritier de la philosophie, il est en plus devenu l’héritier de l’art moderne et de la première critique consciente de la vie quotidienne. Il ne peut se supprimer sans réaliser, en même temps, l’art et la philosophie. Transformer le monde et changer la vie sont pour lui une seule et même chose, les mots d’ordre inséparables qui accompagneront sa suppression en tant que classe, la dissolution de la société présente en tant que règne de la nécessité, et l’accession enfin possible au règne de la liberté. La critique radicale et la reconstruction libre de toutes les conduites et valeurs imposées par la réalité aliénée sont son programme maximum, et la créativité libérée dans la construction de tous les moments et événements de la vie est la seule poésie qu’il pourra reconnaître, la poésie faite par tous, le commencement de la fête révolutionnaire. Les révolutions prolétariennes seront des fêtes ou ne seront pas, car la vie qu’elles annoncent sera elle-même créée sous le signe de la fête. Le jeu est la rationalité ultime de cette fête, vivre sans temps mort et jouir sans entraves sont les seules règles qu’il pourra reconnaître.

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